Aujourd'hui, il existe des cartes virtuelles animées sur le net, des cartes postales cartonnées qui couinent quand on les ouvre, d'autres en trois dimensions, de toutes les tailles, de toutes les formes. Pourtant, l'âge d'or de la carte postale reste l'époque 1900-1920. Retour sur une histoire déjà ancienne.
Née au coeur de l'Europe et de la guerre :
Née au coeur de l'Europe.
La toute première carte postale date du 1er octobre 1869. c'est un professeur d'économie politique de Vienne, Emmanuel Hermann, qui la crée sur une idée du secrétaire d'Etat aux services postaux allemands, Heinrich von Stephan, qui voulait introduire une correspondance pratique et peu coûteuse. Sans grand succès.
...et au coeur de la guerre.
En France, la carte postale est apparue avec la guerre contre la Prusse : lors du siège de Strasbourg en 1870, la Croix-Rouge obtient des militaires allemands que les Strasbourgeois puissent communiquer avec leur famille à l'extérieur grâce à des cartes sans enveloppe et marquées d'une croix rouge (donc faciles à contrôler par l'assiégeant).
Deux ans plus tard, fin 1872, une loi permet la création des cartes postales et la Poste vend les premiers exemplaires fabriqués. En carton, de format 12 x 7,5 cm, ils ne comportent rien d'autre que l'indication « Carte postale », quelques lignes pour guider l'écriture, ainsi qu'une ou deux mentions légales. En 1875, sa fabrication par des entreprises privées est autorisée par l'état.
Une fille du XXe siècle :
l'image apparaît !
La première carte postale illustrée aurait été créée en 1881 par la Caisse d'Epargne. d'autres vont voir le jour, à partir de 1889 et de l'Exposition universelle de Paris, avec des dessins de la tour Eiffel. Mais « illustrée » est un bien grand mot pour la carte de l'époque ! l'adresse du destinataire doit alors occuper intégralement le recto, l'image n'est donc imprimée que sur la moitié du verso, voire moins, pour laisser un peu de place au message.
l'engouement des années 1900.
En 1903, la Poste modifie sa législation : le recto tout entier est désormais consacré à l'image, le verso se partageant l'adresse du destinataire et le texte. c'est l'engouement immédiat !
Un engouement d'autant plus rapide que les procédés photographiques se développent et qu'il devient bientôt facile et assez peu coûteux d'imprimer une sorte de « photo carte postale » noir et blanc sur un carton mat épais, format 9 x 14 cm, en quelques dizaines ou quelques centaines d'exemplaires.
Quels sujets ?
Les photographes parcourent désormais les campagnes et les villes pour fixer paysages et scènes de genre sur leurs pellicules puis sur des cartes postales : les plus beaux monuments, les personnages célèbres, les jeunes filles en costumes régionaux, le centenaire du village, les fêtes locales.
l'humour n'est pas interdit, mais les entorses à la morale oui. La carte postale est soumise dès ses débuts à la législation sur la presse et l'affichage. En 1904, le sénateur Bérenger fait même passer un décret supplémentaire interdisant la vision du moindre poil (sauf barbes et moustaches bien sûr) ! Les hercules en maillot des cartes postales doivent donc présenter des peaux de bébés.
Des cartes que les familles s'approprient :
En même temps, les cartes se font aussi individuelles et familiales : les jeunes conscrits du service militaire se font tous photographier et envoient, depuis la caserne, leur portrait en uniforme sur carte à toutes leurs connaissances ; ceux qui sont moins riches achètent des cartes toutes faites, mais déjà colorisées, représentant un beau militaire, avec un cadre laissé en blanc à ses pieds : « Souvenir de... du régiment de... ».
Les communiants se font photographier en studio, prenant une pose obligée, avec chapelet et missel, devant un prie-Dieu pour adresser un souvenir de l'événement à toute la famille. Parfois, c'est le curé lui-même qui finance les cartes pour les premiers du catéchisme. Les jeunes gens envoient leur portrait sur carte postale à leurs amoureuses. Les cortèges de mariage se fixent aussi sur le papier. Mais les fameux bébés nus sur leurs peaux d'ours connaîtront leur heure de gloire dans les années 1930 surtout.
Des cartes qui remplacent le téléphone :
Au tout début du XXe siècle, le téléphone n'existe guère encore, et la carte est rapide et moins chère qu'une lettre : autant d'éléments qui vont faciliter son essor. Tous les collectionneurs de cartes l'ont constaté : on utilisait la carte postale hier comme on utilise un texto aujourd'hui. « J'arriverai jeudi par le train de 12 h, André », « Bon souvenir de celui qui vous aime, émile », « Fernand peut-il venir samedi avec son cheval ? Jules », etc...
Et comme, dans un village, tout le monde peut lire la carte, depuis le facteur jusqu'à la famille du destinataire au grand complet, les amoureux s'envoient des cartes chiffrées, à décoder. Une mode qui disparaîtra pendant la guerre de 1914-1918, avec la destruction par la censure de toutes les cartes codées.
La guerre n'arrêtera cependant pas l'essor de la carte postale qui atteindra le record de ventes de 800 millions d'exemplaires en France sur l'année 1920 ! Les chiffres ont depuis baissé, d'autres moyens de communication l'ont concurrencée, mais la carte postale fait toujours partie de nos coups de coeurs épistolaires.
(texte d'après Marie-Odile Mergnac, www.notrefamille.com)